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Archives Mensuelles: octobre 2013

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Charleroi, un mercredi soir. Une foule hétérogène se presse devant l’Eden. Les spectateurs du jour sont des étudiants, des professeurs, des trentenaires.

Dans quelques minutes, ils iront prendre possession de leurs sièges, dans la grande salle noire. Devant leurs yeux intrigués, puis amusés, se déroulera un étrange ballet de tables et de chaises de bureau sur fond de cours de la bourse et d’élevage intensif de poussins.

Les danseurs portent des cravates douces (très douces !), des tailleurs bien coupés. Ils sont banquiers. Traders. Analystes de compétence. Managers. Ils manient la vulgate monétaire avec aisance. Devant les spectateurs ébahis, la boîte de Pandore est ouverte : ils découvrent tout ce que leurs banquiers ne leur avaient jamais dit. Où va l’agent lors d’un investissement ? Que signifient obligation, action, SICAV ? Quelles sont les coulisses d’une opération bancaire parfois trop abstraite ou opaque ?

Théâtre-national-MONEY-

Chaque acteur possède un portefeuille rempli de mots. Avenir/transparence/éthique/argent/diversifié/projet/investir… C’est une chanson presque absurde qui est provoquée par leur répétition. Parfaitement interchangeables, ces mots servent à troubler le client. « Faites-moi confiance », implore presque le banquier. Le client, confus, opine du chef. « Investir, c’est aussi faire confiance ». Il est convaincu.

La démonstration continue, elle est implacable. Un contremaître en combinaison jaune poussin (un hasard ?) se heurte aux divagations absurdes d’un trio en costumes-cravates. « Si on supprime le garde-corps et que l’on bouge la desserte – oui, la desserte ! – on gagne cinq mètres de moins. Cinq mètres de moins fois le nombre de jours ça fait (…) une augmentation de 7% des profits pour l’entreprise ». Ouf.

Tableau final. Réunion de team. L’équipe est assise autour d’une bouteille de vin et de toasts au curry. Un énorme compte à rebours égrène les secondes. Et si… Et s’ils allaient à la cour de la Haye ? Et si on reconnaissait l’existence du crime économique ? Le gong sonne. C’est la fin. Départs précipités. Mais sans oublier… La bouteille de vin.

Money remet en question les mécanismes financiers, du compte d’épargne au fond d’investissement. Il démontre, avec une logique glaciale, les pratiques absurdes qui mènent au toujours plus. Il questionne et interpelle sur le vide juridique (énorme) dont profitent les organismes financiers.

On pourrait reprocher une certaine répétition des scénettes, des acteurs parfois statiques entre deux ballets de chaises. Mais si la pièce est parfois inégale, force est de constater que la démonstration reste percutante.

MONEY de Françoise Bloch
Avec Jérôme de Falloise, Benoît Piret, Aude Ruyter et Damien Trapletti.
Du 22 au 24 octobre à l’Eden.

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Depuis quelques jours, le web est en ébullition. Guillaume Pley, animateur à la radio NRJ, illustre inconnu pour ma part, publie une vidéo de ses exploits. Il aborde de jeunes femmes dans la rue, et attaque : « Puis-je te poser 3 questions ? As-tu un petit ami ? Comment me trouves-tu ? Donne-moi une raison de ne pas m’embrasser ». Il les déstabilise et… Finit par les embrasser. Par surprise. Sans consentement.

Le code pénal français est pourtant très clair à ce sujet : « Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. »

A l’heure où la culture du viol est devenue une question de société, à l’heure où les violeurs attirent plus la compassion que leurs victimes (Affaires Steubenville, Maryville), à l’heure où la misogynie se fait toujours plus forte, plus dense… Les clips sexistes explosent sur le net. La vidéo de Guillaume Pley affiche 2 059 552 vues au compteur. Cet animateur radio est suivi par des milliers d’adolescents. Il a une visibilité énorme. Et comme le podcaster Norman avant lui (il avait annoncé qu’« il n’y a que les moches qui se plaignent d’être harcelée en rue ») ses actes sont criminels. Il envoie un message dangereux à cette nouvelle jeunesse digitale.

La femme est une proie, un divertissement, qui égaye l’espace public, et il est parfaitement acceptable de lui sauter dessus. Bah oui. On pourrait tout aussi bien l’attraper par les cheveux et la traîner dans une caverne. Et puis, après tout… Que faisaient-elles hors de leurs cuisines ? Nous ne sommes encore qu’au 21e siècle.

Je vais te dire quelque chose, Guillaume Pley. Viens, quand je suis en train de retirer de l’argent, que je me retourne nerveusement de peur qu’on me dérobe ma carte. Viens, lorsque je me déplace d’un point A à un point B et que je fais un énorme détour pour ne pas passer par le parc rempli de mecs chelous qui ne se gênent pas pour commenter ma plastique ou m’inviter à diverses activités sexuelles. Viens, quand je sers très fort mes clefs dans mes poings en rentrant tard le soir.

Pose-les-moi, tes trois questions. Ma réponse sera claire et nette… Mais je ne suis pas sûre que tu l’apprécieras.