Charleroi, un mercredi soir. Une foule hétérogène se presse devant l’Eden. Les spectateurs du jour sont des étudiants, des professeurs, des trentenaires.
Dans quelques minutes, ils iront prendre possession de leurs sièges, dans la grande salle noire. Devant leurs yeux intrigués, puis amusés, se déroulera un étrange ballet de tables et de chaises de bureau sur fond de cours de la bourse et d’élevage intensif de poussins.
Les danseurs portent des cravates douces (très douces !), des tailleurs bien coupés. Ils sont banquiers. Traders. Analystes de compétence. Managers. Ils manient la vulgate monétaire avec aisance. Devant les spectateurs ébahis, la boîte de Pandore est ouverte : ils découvrent tout ce que leurs banquiers ne leur avaient jamais dit. Où va l’agent lors d’un investissement ? Que signifient obligation, action, SICAV ? Quelles sont les coulisses d’une opération bancaire parfois trop abstraite ou opaque ?
Chaque acteur possède un portefeuille rempli de mots. Avenir/transparence/éthique/argent/diversifié/projet/investir… C’est une chanson presque absurde qui est provoquée par leur répétition. Parfaitement interchangeables, ces mots servent à troubler le client. « Faites-moi confiance », implore presque le banquier. Le client, confus, opine du chef. « Investir, c’est aussi faire confiance ». Il est convaincu.
La démonstration continue, elle est implacable. Un contremaître en combinaison jaune poussin (un hasard ?) se heurte aux divagations absurdes d’un trio en costumes-cravates. « Si on supprime le garde-corps et que l’on bouge la desserte – oui, la desserte ! – on gagne cinq mètres de moins. Cinq mètres de moins fois le nombre de jours ça fait (…) une augmentation de 7% des profits pour l’entreprise ». Ouf.
Tableau final. Réunion de team. L’équipe est assise autour d’une bouteille de vin et de toasts au curry. Un énorme compte à rebours égrène les secondes. Et si… Et s’ils allaient à la cour de la Haye ? Et si on reconnaissait l’existence du crime économique ? Le gong sonne. C’est la fin. Départs précipités. Mais sans oublier… La bouteille de vin.
Money remet en question les mécanismes financiers, du compte d’épargne au fond d’investissement. Il démontre, avec une logique glaciale, les pratiques absurdes qui mènent au toujours plus. Il questionne et interpelle sur le vide juridique (énorme) dont profitent les organismes financiers.
On pourrait reprocher une certaine répétition des scénettes, des acteurs parfois statiques entre deux ballets de chaises. Mais si la pièce est parfois inégale, force est de constater que la démonstration reste percutante.
MONEY de Françoise Bloch
Avec Jérôme de Falloise, Benoît Piret, Aude Ruyter et Damien Trapletti.
Du 22 au 24 octobre à l’Eden.